Mistral, le cheval qui m’a fait rêver

Alors que la retraite de son fidèle Mistral a sonné, Alizée Froment fait le bilan de cesnnées passées aux côtés de celui qui fut de tous les défis, des rectangles des championnats jusqu’aux carrières de spectacle. A 31 ans, la cavalière se tourne désormais vers un futur où tout reste à inventer.ats jusqu’aux carrières de spectacle.

Elle incarne la grâce, la finesse, le respect. Quand elle arrive au galop, cheveux bouclés et ailes blanches déployées, sur son fier destrier sans mors ni filet, le temps suspend son vol…

Devant cette princesse qui semble tout droit sortie d’un conte de fées, le public est conquis. Cavalière de dressage devenue artiste équestre accomplie, Alizée Froment trace son sillon à sa manière, renouvelant le genre, entre la France et la République tchèque, où l’amazone a fondé sa famille.

Votre cheval de tête et de cœur, Mistral du Coussoul, a pris sa retraite le 2 décembre dernier à l’issue d’un dernier show à Stockholm en Suède devant 15 000 personnes. Pourquoi là-bas ?

ALIZÉE FROMENT | Cela marquait la fin de ses 18 ans et je trouvais ça symbolique. Nous avions déjà été à Stockholm, qui est l’une des plus grosses scènes de spectacle équestre et qui fait partie des trois shows mythiques pour nous, avec Aix-la-Chapelle et Equitana. Le spectacle a été diffusé à la télévision suédoise en direct et la famille royale est venue le dimanche soir pour assister aux adieux de Mistral (photos à droite). C’était la dernière d’une grande histoire. Il y a eu quelques petites larmes mais on a pu en profiter pour ne pas faire de ce moment quelque chose de triste mais de joli.

Une page se tourne : que ressentez-vous ?

AF | Une amie m’a dit quelque chose de très juste en voyant la manière dont j’essayais de gérer mes émotions. Elle m’a dit : “De l’extérieur, c’est comme si tu étais en deuil.” C’est une réalité. J’ai l’impression qu’il y a une partie de moi qui s’est éteinte, parce que c’est douze ans d’une carrière, douze ans merveilleux et extraordinaires. Même si j’ai eu beaucoup d’autres chevaux, aucun ne m’a jamais provoqué les émotions que Mistral, lui, est capable de m’offrir. Il s’agit aussi de faire le deuil de cette adrénaline-là.

Que vous a-t-il apporté ?

AF | Mistral, je l’ai rencontré à 20 ans, je débu- tais ma carrière en dressage. C’est mon premier cheval de Championnat d’Europe, le premier que j’ai dressé au Grand Prix, le premier que j’ai mis à cru, le premier en licol, le premier en cordelette, le premier qui m’a emmenée à l’étranger pour des spectacles, mon premier cheval de show : c’est le premier de tout ! Celui qui m’a ouvert toutes les portes, même celles que je n’avais pas forcément imaginées. L’image avec les ailes, j’en rêvais étant petite…

Vous faites référence au numéro L’envol, où vous êtes en personnage ailé, vêtue de blanc, chevauchant votre cheval noir…

AF | Exactement. C’est un personnage que j’avais imaginé quand j’étais petite fille. Après on oublie ses rêves d’enfant… Mais quand j’ai vu les photos de L’envol, ces images me sont revenues à la figure et j’ai réalisé qu’il m’avait permis de rendre réel un rêve que j’avais fait petite fille. Il n’y a pas beaucoup de gens qui ont cette chance… Il m’a permis tout ça.

 Alors que la retraite de son fidèle Mistral a sonné, Alizée Froment fait le bilan de cesnnées passées aux côtés de celui qui fut de tous les défis, des rectangles des championnats jusqu’aux carrières

Comment envisagez-vous l’après-Mistral et votre année 2019 ?

AF | C’est un grand tournant. Pour l’instant, j’ai beaucoup de jeunes chevaux mais ils ont besoin d’un temps de formation. Je ne sais pas encore exactement ce qui va se mettre en place et comment. Il y a peut-être des projets de cinéma qui se présentent aussi, mais c’est encore flou.

Cavalière de dressage, sélectionneuse nationale, coach, artiste équestre… Avez-vous l’impression d’avoir déjà eu plusieurs vies à 30 ans à peine ?

AF | Oui ! Et j’ai parfois l’impression que Mistral est arrivé un peu tôt parce que c’est presque l’aboutissement d’une carrière, donc c’est un peu compliqué derrière d’envisager la suite. Toutes mes idées sont toujours venues de lui car c’est un cheval qui m’a fait rêver et c’est vrai que maintenant, il faut faire sans lui, ce qui est un peu perturbant.

L’aventure se poursuit désormais en République tchèque, près de Prague, où vous avez rejoint votre conjoint en 2017. Un sacré changement !

AF | Je m’y suis habituée. La République tchèque est un pays très différent culturelle- ment donc ce n’est pas toujours simple. Mais nous avons la chance de vivre dans unparadis au niveau des infrastructures. C’est un microcosme que nous voulons protéger.

Ajoutons à cela votre petite Louise, née en août 2017 : votre vie de maman a-t-elle joué sur votre relation avec vos chevaux ?

AF | Forcément, parce qu’avant, ils étaient mes bébés, je m’en occupais tout le temps. Mainte-nant, j’ai moins de temps pour eux, mais on a une super équipe à la maison qui peut prendre le relais pour qu’ils se sentent le moins possible délaissés. C’est vrai qu’avant j’étais avec eux du matin au soir, je leur avais dédié tout mon quo-tidien. En étant maman, ce n’est plus possible et cela a été un peu compliqué à vivre pour eux au début. Pour moi aussi, et puis c’est comme pour tout, on construit de nouveaux repères…

Votre fille a-t-elle attrapé le même virus des chevaux que vous ?

AF | Alors ça, on n’a pas d’inquiétude à avoir ! Elle est à cheval depuis qu’elle a 4 jours. Le problème, c’est surtout de la descendre des chevaux, et non de la monter dessus !

Vous aussi vous avez découvert très jeune l’équitation. Comment devient-on une cavalière de spectacle ? Aviez-vous des mentors ?

AF | Je n’ai jamais eu trop de références même si évidemment, j’ai toujours beaucoup aimé Jean-François Pignon et Lorenzo. Mais je ne baignais pas trop dans ce milieu-là.

Comment y êtes-vous venue ?

AF | Par une rencontre, en janvier 2008. Je suis allée en Avignon pour voir le marché interna-tional du spectacle équestre, car je travaillais sur un projet pour l’Ecole nationale d’équita-tion. J’y ai rencontré Fabien Galle (co-organisa-teur de Cheval Passion, NDLR) complètement par hasard, je ne savais pas qui il était, et il m’a expliqué qu’on pourrait faire quelque chose au festival de Tarbes avec une compagnie de danse… et cela a démarré comme ça. Au retour des Championnats d’Europe, on a fait Tarbes, puis de là, les Crinières d’Or, Rome, Equitana, et ça a pris de plus en plus d’ampleur.

En parallèle, vous avez officié de 2011 à 2015 au poste de sélectionneur des équipes de France Poney en dressage. Que gardez-vous de cette expérience ?

AF | On a fait cinq saisons complètes et ça m’a construite, ça m’a fait grandir. Humainement, on a vécu des choses parfois pas faciles mais toujours constructives. Au final, il reste de très nombreux beaux moments tous ensemble : c’est vraiment une très belle partie de mon chemin. nombreux beaux moments tous ensemble : c’est vraiment une très belle partie de monchemin.

Envisagez-vous de revenir un jour sur les rectangles, en France ?

AF | Depuis 2014, j’ai pas mal décroché… j’ai des bons chevaux mais je ne sais pas si je reviendrais en France ou pas.

A vous voir à cheval, sans artifice, et si connectée à votre monture, vous incarnez parfaitement la légèreté. Avez-vous conscience de véhiculer cet idéal que de nombreux cavaliers tentent d’atteindre ?

AF | C’est d’abord une recherche très person-nelle, mais je suis ravie que ça touche des gens, qu’ils rêvent avec moi et partagent les mêmes rêves que les miens. Mais je ne le fais pas pour imposer ma vision ou ma philosophie.

Quel regard portez-vous sur l’évolution de l’équitation, en particulier sur l’éducation des chevaux ?

AF | Il y a des abus et surtout beaucoup d’incompréhension, je le crains… Ce n’est pas parce que l’on est en cordelette, que l’on est gentil et inversement, ce n’est pas parce que l’on a un mors, que l’on est forcément sévère. Ce n’est pas parce qu’un cheval est en stretching la tête basse que l’on fait du rollkur.

Il y a tant d’ignorance et en même temps tellement de jugements à l’emporte-pièce qui créent des débats stériles et très néfastes, à mon sens, pour l’évolution du monde équestre. Je pense que le milieu gagnerait à mettre un peu plus de subtilité dans ses propos. Cela permet-trait de faire avancer les débats intelligemment.

Si vous aviez un message à faire passer ?

AF | Les chevaux s’éduquent comme des enfants, beaucoup de gens ne le comprennent pas. Il faut donner des règles pour que chacun puisse trouver sa place et qu’il en découle une harmonie paisible et heureuse pour tous. Il ne s’agit pas de soumission car à la maison, nous souhaitons absolument privilégier l’expression de la personnalité de chacun de nos chevaux, mais cela n’est possible qu’à partir d’une règle simple, qui est notre base : le respect mutuel.